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sur les parages de malte.

sait avec l’abaissement du soleil, les nuages montaient toujours du levant et s’étendaient alors sur les trois quarts du ciel. Au ras de la mer, c’était une bande d’un gris livide, d’une matité profonde, qui devenait d’un noir d’encre lorsqu’un rayon solaire se glissait à travers ses déchirures. Déjà quelques éclairs silencieux déchiraient cette large nuée électrique, dont la lisière supérieure s’arrondissait en pesantes volutes aux contours durement arrêtés. En même temps, comme s’il y avait lutte entre les vents de l’ouest et ceux de l’est qu’on ne sentait pas encore, mais dont la mer déséquilibrée éprouvait le contre-coup, les lames grossissaient contre la houle de fond, s’échevelaient et commençaient à déferler sur le pont du yacht. Puis, vers six heures, tout devint obscur sous cette voûte d’épaisses nues, qui couvraient l’espace. Le tonnerre grondait, et de vifs éclairs illuminaient ces lourdes ténèbres.

« Liberté de manœuvre ! dit le docteur au capitaine.

— Oui ! Il le faut, monsieur le docteur, répondit le capitaine Köstrik. Sur la Méditerranée, c’est tout l’un ou tout l’autre ! L’est et l’ouest luttent à qui l’emportera, et l’orage aidant, je crains que l’avantage ne reste au premier. La mer va devenir très très dure au-delà de Gozzo ou de Malte, et il est pos-