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la veuve d’étienne bathory.

vous êtes le docteur Antékirtt, je suis votre obligée, et je vous dois le récit des événements qui se sont passés à Trieste, il y a quinze ans…

— Madame, puisque je suis le docteur Antékirtt, épargnez-vous un récit trop douloureux pour vous ! Je le connais, et j’ajoute, — puisque je suis le docteur Antékirtt, — que je connais aussi tout ce qu’a été votre existence depuis cette date inoubliable du 30 juin 1867.

— Me direz-vous alors, monsieur, reprit Mme Bathory, à quel motif est dû l’intérêt que vous avez pris à ma vie ?

— Cet intérêt, madame, est celui que tout homme de cœur doit à la veuve du magyar, qui n’a pas hésité à risquer son existence pour l’indépendance de sa patrie !

— Avez-vous connu le professeur Étienne Bathory ? demanda la veuve d’une voix un peu tremblante.

— Je l’ai connu, madame, je l’ai aimé, et je vénère tous ceux qui portent son nom.

— Êtes-vous donc de ce pays pour lequel il a donné son sang ?

— Je ne suis d’aucun pays, madame.

— Qui êtes-vous, alors ?

— Un mort, qui n’a pas encore de tombe ! » répondit froidement le docteur Antékirtt.