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mathias sandorf.

nents l’enserrent de leurs rivages : l’Europe, l’Asie, l’Afrique. Où donc le comte Mathias Sandorf, devenu le docteur Antékirtt, — nom qui était cher aux pays orientaux, — avait-il cherché la lointaine résidence, dans laquelle allait s’élaborer le programme de sa vie nouvelle ? C’est ce qu’allait bientôt apprendre Pierre Bathory.

Pierre, après avoir rouvert un instant les yeux, était retombé dans une prostration complète, aussi insensible qu’au moment où le docteur l’avait laissé pour mort dans la maison de Raguse. À ce moment, le docteur venait de produire un de ces effets physiologiques dans lesquels la volonté joue un si grand rôle, et dont les phénomènes ne sont plus mis en doute. Doué d’une singulière puissance de suggestion, il avait pu, sans s’aider de la lumière du magnésium ni même d’un point métallique brillant, rien que par la pénétration de son regard, provoquer chez le jeune mourant un état hypnotique, et substituer sa volonté à la sienne. Pierre, très affaibli par la perte de son sang, n’ayant plus apparence de vie, n’était qu’endormi, cependant, et il venait de se réveiller par la volonté du docteur. Mais cette vie prête à s’échapper, il s’agissait de la conserver maintenant. Tâche difficile, car elle exigeait des soins minutieux et toutes les ressources de