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mathias sandorf.

questions et reçu ces réponses, cessa ses promenades autour de Gravosa. Il semblait attendre une démarche qu’il n’eût pas voulu provoquer en allant à Raguse, où la nouvelle de son arrivée sur la Savarèna devait être connue. Il resta donc à bord, et ce qu’il attendait, arriva.

Le 29 mai, vers onze heures au matin, après avoir observé, sa lunette aux yeux, les quais de Gravosa, le docteur donna l’ordre d’armer sa baleinière, y descendit, puis débarqua près du môle, où se tenait un homme qui semblait le guetter.

« C’est lui ! se dit le docteur. C’est bien lui !… Je le reconnais, si changé qu’il soit ! »

Cet homme était un vieillard, brisé par l’âge, bien qu’il n’eût que soixante-dix ans. Ses cheveux blancs recouvraient une tête qui s’inclinait vers la terre. Sa figure était grave, triste, à peine animée d’un regard à demi éteint, que les larmes avaient dû souvent noyer. Il se tenait immobile sur le quai, n’ayant pas perdu de vue le canot depuis le moment où il s’était détaché de la goélette.

Le docteur ne voulut point avoir l’air d’apercevoir ce vieillard, encore moins de le reconnaître. Il ne parut donc pas remarquer sa présence. Mais, à peine avait-il fait quelques pas, que le vieillard s’avança vers lui, et, humblement découvert :