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complications.

Aux premiers mots que lui en dit sa femme, Silas Toronthal, dans un mouvement de colère qu’il ne chercha point à maîtriser, s’emporta au-delà de toute mesure. Mme Toronthal, brisée par cet effort, dut rentrer dans son appartement sur cette menace :

« Prenez garde, madame !… Si vous osiez jamais me reparler de ce projet, vous vous en repentiriez ! »

Ainsi donc, ce que Silas Toronthal appelait la fatalité avait non seulement amené la famille Bathory dans cette ville, mais Sava et Pierre, rapprochés l’un de l’autre, n’avaient pas tardé à se connaître et à s’aimer !

On se demandera pourquoi tant d’irritation de la part du banquier. Avait-il formé de secrets desseins sur Sava, sur son avenir, que ces sentiments devaient contrarier ? Au cas où son indigne délation eût été révélée un jour, n’aurait-il pas eu intérêt, au contraire, à ce que les conséquences en eussent été préalablement réparées dans la mesure du possible ? Qu’aurait pu dire Pierre Bathory, devenu le mari de Sava Toronthal ? Qu’aurait pu faire alors Mme Bathory ? Certes, c’eût été une horrible situation, le fils de la victime marié à la fille de l’assassin, mais horrible surtout pour eux, non pour lui, Silas Toronthal !