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maître du monde

— Peut-être, observai-je, le temps n’était-il pas favorable…

— Très pur, au contraire, monsieur Strock, mais les bords du Great-Eyry sont trop élevés et arrêtent la vue.

— Allons ! s’écria Smith, je ne serai pas fâché de mettre enfin le pied où personne ne l’a pu mettre encore ! »

En tout cas, ce jour-là, le Great-Eyry paraissait tranquille, et il ne s’en échappait ni vapeurs ni flammes.

Vers cinq heures, notre attelage fit halte à la ferme de Wildon, dont les gens vinrent au-devant de leur maître.

C’était là que nous devions passer cette dernière nuit.

Aussitôt les chevaux furent dételés et conduits à l’écurie, où ils trouveraient du fourrage en abondance, et la voiture s’abrita dans la remise. Le conducteur attendrait notre retour. D’ailleurs, M. Smith ne doutait pas que la mission se serait accomplie à la satisfaction générale, lorsque nous rentrerions à Morganton.

Quant au fermier de Wildon, il nous assura que rien d’extraordinaire ne s’était passé au Great-Eyry depuis quelque temps.

On soupa à la table commune avec le personnel de la ferme, et notre sommeil ne fut aucunement troublé pendant la nuit.

Le lendemain, dès l’aube, allait commencer l’ascension de la montagne. La hauteur du Great-Eyry ne dépasse pas dix-huit cents pieds — altitude modeste — en somme, la moyenne de cette chaîne des Alleghanys. Nous pouvions donc compter que la fatigue ne serait pas grande. Quelques heures devaient suffire à atteindre l’arête supérieure du massif. Il est vrai, peut-être se présenterait-il des difficultés de route, précipices à franchir, obstacles à tourner au prix d’un cheminement périlleux ou pénible. Cela, c’était l’inconnu, l’aléa de notre tentative. On le sait, nos guides n’avaient pu nous renseigner à cet égard. Ce qui m’inquiétait, c’est que, dans le pays, l’enceinte du Great-Eyry passait pour être infranchissable. En somme, le fait n’avait