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en campagne

absence. Les coffres du break ouverts, John Hart et Nab Walker en tirèrent des provisions qui furent déposées sur l’herbe au pied d’un superbe cyprès, lequel me rappelait les essences forestières du district de Morganton et de Pleasant-Garden. Nous avions faim, nous avions soif. Le boire et le manger ne feraient pas défaut. Puis les pipes furent allumées en attendant l’instant de partir.

Silence complet à l’intérieur du bois. Les derniers chants d’oiseaux avaient cessé. Avec le soir, la brise tombait peu à peu, et les feuilles tremblaient à peine aux pointes des plus hautes branches. Le ciel s’assombrit rapidement dès le coucher du soleil et l’obscurité succéda au crépuscule.

Je regardai ma montre. Elle marquait huit heures et demie.

« Il est temps, Wells…

— Quand vous voudrez, monsieur Strock.

— Partons alors. »

Recommandation expresse fut faite au conducteur de ne point laisser ses chevaux s’éloigner du pâturage pendant notre absence.

Wells prit les devants. Je marchais derrière lui, suivi de John Hart et de Nab Walker. Au milieu des ténèbres, nous aurions eu grand-peine à nous diriger, si Wells n’eût servi de guide.

Enfin, nous sommes sur la lisière du bois. Devant s’étend la grève, jusqu’à la crique de Black-Rock.

Tout est silencieux, tout est désert. On peut se hasarder sans risques. Si l’Épouvante est là, c’est au revers des roches qu’elle a dû prendre son mouillage.

Mais y est-elle encore ?… C’est la question, la seule, et, je l’avoue, à l’approche du dénouement de cette passionnante affaire, le cœur me bat dans la poitrine.

Wells fait signe d’avancer… Le sable de la grève crie sous nos pieds… Deux cents pas à faire, quelques minutes suffisent, et