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simple formalité, le renouvellement de son mandat étant absolument certain. Mais, d’ailleurs, en quoi cela regardait-il des gens qui n’étaient ni éligibles, ni électeurs ?

Cependant, le chercheur d’or, enhardi par le calme du Kaw-djer, continuait sur un ton plus assuré :

— Les gentlemen réclament cette élection, et ils veulent que leurs voix comptent. Leurs voix valent celles des autres, pas vrai ? Pourquoi qu’il y en aurait cinq mille qui feraient la loi à vingt ? Ça n’est pas juste…

L’aventurier fit une pause et attendit inutilement la réponse du Kaw-djer. Embarrassé par ce silence persistant, et désireux de faire comprendre que sa mission était terminée, il conclut :

— Et voilà !

— Est-ce tout ? interrogea pour la troisième fois le Kaw-djer.

— Oui… répondit le délégué. C’est tout, sans être tout… Enfin, c’est tout pour le moment.

Le Kaw-djer, regardant bien en face les dix hommes attentifs, déclara d’un ton froid :

— Voici ma réponse : « Vous êtes ici malgré nous. Je vous donne vingt-quatre heures pour vous soumettre tous sans condition. Passé ce délai, j’aviserai. »

Il fit un signe. Hartlepool et une vingtaine d’hommes accoururent.

— Hartlepool, dit-il, veuillez reconduire ces messieurs hors des rangs. »

Les délégués étaient stupéfaits. Quelque assurés qu’ils fussent de leur force, ce calme glacial les déconcertait. Encadrés par les Hosteliens, ils s’éloignèrent docilement.

Par exemple, quand ils furent réunis à ceux qu’ils désignaient sous le nom générique de « gentlemen », le ton changea. Tandis qu’ils rendaient compte de leur mission, leur colère, jusque-là dominée, éclata sans contrainte, et, pour exprimer leur indignation, ils trouvèrent une quantité suffisante de paroles irritées et de jurons sonores.

Cette éloquence spéciale eut de l’écho dans la foule, et bientôt un concert de vociférations apprit au Kaw-djer qu’on connaissait sa réponse. Cette agitation fut longue à se calmer. La nuit la diminua sans l’apaiser entièrement. Jusqu’au matin, l’ombre fut pleine de cris furieux. Si on ne voyait plus les mineurs, on