Page:Verne - Les Naufragés du Jonathan, Hetzel, 1909.djvu/470

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

XIII

une « journée ».

Non seulement l’égarement des Hosteliens avait presque entièrement supprimé la production de l’île, mais encore une population quintuplée devait vivre sur les stocks à peu près épuisés. Aussi la misère fut-elle atroce pendant l’hiver de 1893. Les cinq mois qu’il dura, le Kaw-djer accomplit une tâche formidable. Il lui fallut résoudre au jour le jour des difficultés sans cesse renaissantes, venir au secours des affamés, soigner les innombrables malades, être, en un mot, partout à la fois. En constatant cette indomptable énergie et ce dévouement inaltérable, les Libériens furent frappés d’admiration et écrasés de remords. Voilà comment se vengeait celui qui avait renoncé, on le savait maintenant, à une si merveilleuse existence pour partager leur vie de misère, et qu’ils avaient pourtant si lâchement renié !

Malgré tous les efforts du Kaw-djer, c’est à grand-peine qu’on put se procurer le strict nécessaire à Libéria. Que devait-ce être dans les campagnes ? Que devait-ce être surtout aux placers, où s’entassaient des milliers d’hommes qui n’avaient sûrement pris aucune mesure pour combattre un climat dont ils ignoraient les rigueurs ?

Il était trop tard pour réparer leur imprévoyance. Ils étaient bloqués par les neiges et ne pouvaient plus compter que sur les ressources de leurs alentours les plus proches. Ces ressources, tant de bouches affamées les auraient épuisées en quelques jours.

Ainsi qu’on l’apprit plus tard, quelques-uns réussirent cependant à vaincre tous les obstacles et s’avancèrent parfois fort