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« Il est des nôtres », annonça Dorick en frappant sur l’épaule du matelot.

On échangea des poignées de mains, puis, sans perdre de temps, on examina le moyen d’exécuter le projet de la veille. La conversation fut longue. Il faisait nuit noire, quand les cinq hommes commencèrent à redescendre vers la ville. Leur accord était complet. On allait agir le soir même.

Bien que l’obscurité fût profonde, ils se divisèrent comme ils l’avaient fait le jour précédent. Laissant entre eux un intervalle de quelques minutes, ils quittèrent la route, s’engagèrent à travers champs et contournèrent les maisons par le Sud jusqu’à la rivière, puis, revenant sur leurs pas, ils pénétrèrent en ville, en longeant l’enclos de Patterson. Tout était silencieux. Sans être vus, ils arrivèrent jusqu’au gouvernement, où dormaient en ce moment le Kaw-djer, Hartlepool et les mousses. À l’ombre d’une maison, leur groupe se reforma, invisible. Là, ils s’immobilisèrent, l’oreille tendue, leurs yeux fouillant la nuit…

Ils avaient devant eux la porte du Tribunal. Du poste de police, situé sur la façade opposée, de faibles bruits leur parvenaient. Là-bas, des hommes veillaient. Mais, de ce côté, il n’y avait personne. La rue était silencieuse et déserte.

Pourquoi eût-on gardé la salle du Tribunal ? Elle ne contenait rien qu’une table, un siège grossier, et quelques bancs fixés dans le plancher.

Lorsqu’ils furent bien certains que la solitude était complète, Dorick et Kennedy quittèrent leur abri et traversèrent rapidement l’espace découvert. En un instant, ils atteignirent la porte du Tribunal, que Kennedy entreprit de forcer, tandis que Dorick faisait le guet. Pendant ce temps, les frères Moore, laissant Sirdey à la place qu’ils occupaient tous auparavant, s’éloignaient à leur tour, l’un à gauche, l’autre à droite, pour s’arrêter au bout de quelques pas. D’où ils étaient maintenant, ils pouvaient surveiller, celui-ci, la façade principale et la place ménagée devant le gouvernement, celui-là, le mur sans issue, qui, au Sud, clôturait la prison, et la rue séparant ce mur des autres maisons. Kennedy était bien gardé. Au moindre danger, il serait prévenu à temps pour s’enfuir.

Aucun incident ne survint. L’ancien matelot put travailler tout à son aise. Travail facile au surplus, car ce n’était pas une ser-