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Déjà, en cet embryon de village, qui deviendrait bourgade et village, on trouvait des auberges qui deviendraient des hôtels. Et ne le sont-ils pas déjà par les prix excessifs demandés pour le logement et la nourriture, malgré le manque absolu de confort ? Au surplus, la station est pourvue d’un poste de police, et quant aux rives du lac, très boisées, les scieries et les chantiers en occupent divers points, et la construction des bateaux y est active.

Il convient d’ajouter que les policemen ne sont pas uniquement affectés au service de la station. Le gouverneur du Dominion les répartit sur tout le territoire. Leurs fonctions sont parfois dangereuses au milieu de ces aventuriers lâchés à travers la région, et c’est à peine s’ils suffisaient à assurer l’ordre et la sécurité sur les routes du Klondike.

L’Indien Neluto ne s’était pas trompé dans ses prévisions du temps. Dans l’après-midi se produisit un brusque changement dans l’état atmosphérique. Le vent s’étant établi au sud, le thermomètre remonta à zéro centigrade, symptôme auxquels on ne pouvait se méprendre. Il y avait lieu de croire que la saison froide touchait à sa fin, que le dégel définitif provoquerait une rapide débâcle et rendrait la navigation libre à la surface des cours d’eau et des lacs.

Au surplus, pendant cette première semaine de mai, le lac Benett n’était plus pris sur toute son étendue. Entre les ice-fields ou champs de glace sinuaient des passes qu’un bateau pourrait suivre, et à la condition d’allonger son parcours, il parviendrait à faire bonne route. Les quarante kilomètres que mesure le lac dans sa plus grande longueur seraient sans doute doublés ; mais on éviterait ainsi le traîneau, on y gagnerait même du temps, que la navigation s’effectuât soit à l’aviron, soit à la voile. Dans tous les cas la traversée occasionnerait moins de fatigues.

Pendant l’après-midi, la température remonta encore ; le dégel s’accentua ; quelques glaçons commencèrent à dériver vers le nord. Donc, à moins d’une vive reprise du froid pendant la nuit prochaine, le Scout atteindrait l’extrémité septentrionale du lac sans difficultés.

Summy Skim, Ben Raddle et les sœurs de la Miséricorde purent trouver abri jusqu’au lendemain dans une des maisonnettes de la station. S’ils n’y furent pas aussi convenablement logés qu’ils l’avaient été la veille dans celle du Scout, ils n’eurent pas du moins à subir la promiscuité du campement.

Le thermomètre ne baissa pas pendant la nuit, et, au lever du jour, le 9 mai, Bill Stell constata que la navigation pourrait s’opérer dans des conditions assez favorables. Le vent soufflait du sud sans indiquer une tendance à fraîchir ; les nuages s’immobilisaient dans les hautes zones du ciel, et la brise, si elle persistait, permettrait d’employer la voile vent arrière.

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