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Bill Stell avait eu raison de dire que les auberges de ce village étaient dépourvues de tout confort. À peine valaient-elles ces (…) où les pauvres gens logent à la nuit. On n’y eût pas trouvé place, d’ailleurs. Le Scout fit donc établir les deux tentes à l’abri des arbres, un peu en dehors de Sheep Camp, de manière à ne point être troublé par l’effroyable tumulte de la foule.

Dès que les tentes eurent été dressées, on y transporta les convertures et pelleteries des traîneaux. Puis, les fourneaux furent allumés. Si l’on se contenta de viande froide, du moins les boissons chaudes, thé et café, ne firent-elles point défaut. Enfin, sœur Marthe et sœur Madeleine, laissées seules, s’enveloppèrent de leurs couvertures l’une près de l’autre, non sans avoir prié pour leurs secourables et généreux compatriotes.

Sous la seconde tente, la veillée se prolongea davantage au milieu de la fumée des pipes. On fit bien de pousser les poêles jusqu’au rouge vif, car cette nuit-là, la température tomba à dix-sept degrés centigrades sous zéro.

Que l’on songe aux souffrances que durent éprouver ceux des émigrants — plusieurs centaines peut-être — qui n’avaient pu trouver un abri dans ce village de Sheep Camp, des femmes, des enfants, et nombre d’entre eux épuisés au début de ce voyage dont ils ne verraient pas le terme !

Le lendemain, Bill Stell, de grand matin, fit replier les tentes. Mieux valait partir dès la pointe du jour, afin de devancer la foule sur cette passe du Chilkoot.

Toujours le même temps sec et froid, et, dût le thermomètre baisser encore, combien préférable aux épaisses rafales, aux tourbillons de neige à ces violents blizzards, si redoutés dans les hautes régions du Nord-Amérique.

Sœur Marthe et sœur Madeleine avaient été les premières à quitter la tente, et elles transportèrent leur petit bagage sur le traîneau. Après un premier repas, ou plutôt quelques tasses de café ou de thé bien chaud, chacun reprit sa place dans les traîneaux, et les mules se remirent en marche sous le fouet des conducteurs.

L’allure n’allait pas être plus rapide que la veille. La rampe s’accentuait à mesure que la passe gagnait vers le sommet du massif. Aussi le Scout avait-il bien fait d’employer un attelage de mules au lieu d’un attelage de chiens. Ce dernier est plutôt réservé à la descente des traîneaux lorsqu’ils dévalent sur le revers opposé pour gagner les lacs. Ce n’était pas trop de ces mules robustes pour tirer les véhicules sur ce sol inégal, rocailleux, coupé d’ornières, et qui serait plus impraticable encore s’il s’amollissait après un relèvement de la température.

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