Page:Verne - Le Volcan d’or version originale.djvu/70

Cette page n’a pas encore été corrigée

Ce fut dès le matin du 2 mai que Bill Stell donna le signal du départ. Les sœurs Marthe et Madeleine, Summy Skim et Ben Raddle, le Scout et les six hommes à son service, prirent la route du Chilkoot en quittant Skagway. Deux traîneaux, attelés de mules, devaient suffire à cette portion de voyage qui se terminait à la pointe sud du lac Lindeman où Bill Stell avait établi son poste principal. Ce parcours ne pouvait s’effectuer en moins de trois ou quatre jours dans les circontances les plus favorables.

Un des traîneaux était destiné aux deux religieuses qui y avaient pris place, bien enveloppées de couvertures et de fourrures qui les abritaient contre une bise extrêmement vive. Elles n’avaient jamais imaginé, on s’en doute, que leur voyage s’accomplirait de la sorte, et renouvelaient leurs remerciements que Summy Skim s’obstinait à ne point entendre. Ben Raddle et lui étaient heureux de pouvoir leur être utile en facilitant l’accomplissement de leur mission, et ils avaient voulu prendre à leur charge les frais supplémentaires qui seraient dus à Bill Stell.

Du reste, ce brave homme ne cachait point la satisfaction qu’il éprouvait de ce que les religieuses eussent accepté les offres de leur compatriotes. Lui aussi, comme elles et comme eux, n’était-il pas d’origine canadienne ?

Du reste, le Scout n’avait point caché à sœur Marthe et à sœur Madeleine avec quelle impatience elles étaient attendues à Dawson-City. La Supérieure ne pouvait suffire aux exigences du service et plusieurs religieuses avaient été atteintes en soignant les malades que différentes épidémies entassaient dans l’hôpital.

En effet, la fièvre typhoïde, plus particulièrement, désolait alors la capitale du Klondike. C’étaient par centaines que l’on comptait les victimes. Ces malheureux émigrants, après avoir laissé tant de leurs compagnons sur les routes de Skagway à Dawson-City, quelle proie pour ces épidémies qui y règnent en permanence !

« Charmant pays, décidément, se disait Summy Skim, et encore ne ferons-nous qu’y passer ! Mais ces deux saintes femmes, qui, sans hésiter, vont braver de tels dangers, et qui ne reviendront peut-être pas !… »

Il n’avait pas paru nécessaire d’emporter des vivres pour cette traversée du Chilkoot, dont les pentes sont si rudes. Le Scout connaissait sinon des hôtels, du moins des « lodgers », auberges des plus rudimentaires où l’on trouvait à se nourrir, à se loger aussi pour la nuit. Il est vrai, on paye un demi-dollar la planche qui sert de lit, et un dollar le repas qui se compose invariablement de lard et de pain à peine levé. D’ailleurs la caravane de Bill Stell ne serait point réduite à ce régime lorsqu’elle franchirait la région lacustre.

71