Page:Verne - Le Superbe Orénoque, Hetzel, 1898.djvu/138

Cette page a été validée par deux contributeurs.
122
LE SUPERBE ORÉNOQUE.

Moriche, prenait des vues instantanées, dès que le paysage en valait la peine.

Toutefois, ce n’était pas uniquement entre leur embarcation et la Gallinetta que s’échangeaient ces propos. Les deux Français s’intéressaient aussi à l’expédition géographique de MM. Miguel, Felipe et Varinas. Ils les entendaient souvent discuter, et avec quelle animation, lorsqu’ils croyaient pouvoir tirer argument d’une observation recueillie en route. La diversité de caractère des trois collègues, ils l’avaient reconnue dès le début, et, comme de juste, c’était M. Miguel qui leur inspirait à la fois plus de sympathie et de confiance. Au total, ce petit monde s’entendait bien, et Jacques Helloch excusait même chez le sergent Martial son humeur grommelante de vieux soldat.

Par exemple, il avait été amené à se faire cette réflexion, qui ne semblait pas être venue à l’esprit de M. Miguel et de ses amis, et il l’avait communiquée à Germain Paterne :

« Est-ce que tu ne trouves pas singulier que ce grognard soit l’oncle du jeune de Kermor ?…

— Pourquoi serait-ce singulier, si le colonel et lui sont beaux-frères ?…

— En effet, mais alors, — tu l’avoueras, — ils n’ont guère marché du même pas… L’un devenu colonel, tandis que l’autre est resté sergent…

— Cela s’est vu, Jacques… cela se voit… et cela se verra encore…

— Soit, Germain !… Après tout, s’il leur convient d’être oncle et neveu, cela les regarde. »

En réalité, Jacques Helloch avait quelque raison de trouver la chose bizarre, et son opinion était qu’il n’y avait peut-être là qu’une parenté occasionnelle, improvisée pour les facilités du voyage.

Pendant la matinée, la flottille passa à l’ouvert de la bouche du Capanaparo, puis de celle de l’Indabaro, qui n’est qu’un bras de ce dernier affluent.