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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

déjeuner, en sorte qu’il fallut remettre à l’après-midi mon excursion aux environs de Ragz.

Il va sans dire que j’imaginai une raison plausible pour expliquer ma présence, ce matin-là, dans le cabinet du docteur. Marc n’eut aucun soupçon, et le déjeuner se passa très agréablement.

Lorsqu’on se leva de table, Mlle Myra me dit :

« Monsieur Henri, puisque nous avons eu le plaisir de vous trouver ici, vous ne nous quitterez plus de toute la journée.

— Et ma promenade ? objectai-je.

— Nous la ferons ensemble.

— C’est que je comptais aller un peu loin…

— Nous irons un peu loin.

— À pied.

— À pied… Mais est-il nécessaire d’aller si loin ? Je suis sûre que vous n’avez pas encore admiré dans toute sa beauté l’île Svendor.

— Je devais le faire demain.

— Eh bien, ce sera pour aujourd’hui. »

C’est donc en compagnie de ces dames et de Marc, que je visitai l’île Svendor transformée en jardin public, une sorte de parc, avec bosquets, chalets, et distractions de toutes sortes.

Cependant, mon esprit n’était pas tout à cette promenade. Marc s’en aperçut, et je dus lui faire quelque réponse évasive.

Était-ce donc la crainte de rencontrer Wilhelm Storitz sur notre route ?… Non, je songeais plutôt à ce qu’il avait dit au docteur Roderich : « Il surgirait de tels obstacles que le mariage serait rendu impossible… Les Storitz disposaient de moyens qui pouvaient défier toute puissance humaine ! » Que signifiaient ces paroles ?… Fallait-il les prendre au sérieux ?… Je me promis de m’en expliquer avec le docteur, lorsque nous serions seuls.

Cette journée et celle du lendemain s’écoulèrent. Je commençais à me rassurer. On n’avait point revu Wilhelm Storitz. Toutefois, il n’avait point quitté la ville. La maison du boule-