Page:Verne - Le Secret de Wilhelm Storitz, 1910.djvu/124

Cette page a été validée par deux contributeurs.
110
LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

cette cuisine, — un fourneau de fonte, dont le tuyau se perdait sous l’auvent d’une vaste cheminée, de chaque côté une armoire, au milieu une table, deux chaises paillées et deux escabeaux de bois, divers ustensiles accrochés aux murs, dans un angle, une horloge au tic-tac régulier, et dont les poids indiquaient qu’elle avait été remontée de la veille.

Dans le fourneau brûlaient, encore quelques morceaux de charbon qui produisaient la fumée vue du dehors.

— Voici la cuisine, dis-je, mais le cuisinier ?…

— Et son maître ?… ajouta le capitaine Haralan.

— Continuons nos recherches, répondit M. Stepark.

Les deux autres chambres du rez-de-chaussée, qui prenaient jour sur la cour, furent visitées successivement. L’une, le salon, était garnie de meubles d’un travail ancien, en vieilles tapisseries d’origine allemande très usées par place. Sur la tablette de la cheminée à gros chenets de fer, reposait une pendule rocaille d’assez mauvais goût. Ses aiguilles arrêtées et la poussière étalée sur le cadran indiquaient qu’elle ne servait plus depuis longtemps. À l’un des panneaux, en face de la fenêtre, était appendu un portrait dans son cadre ovale, avec ce nom, dans un cartouche : Otto Storitz.

Nous regardions cette peinture, vigoureuse de dessin, rude de couleurs, signée d’un artiste inconnu, une véritable œuvre d’art

Le capitaine Haralan ne pouvait détacher ses yeux de cette toile.

Pour mon compte, la figure d’Otto Storitz me causait une impression profonde. Était-ce la disposition de mon esprit qui m’y poussait ?… Ou plutôt ne subissais-je pas, à mon insu, l’influence du milieu ?… Quoi qu’il en soit, ici, dans ce salon abandonné, le savant m’apparaissait comme un être fantastique. Avec cette tête puissante, cette chevelure en broussaille, ce front démesuré, ces yeux d’une ardeur de braise, cette bouche