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LE PASSAGER D’ILIA BRUSCH.

d’Ilia Brusch ? N’était-ce pas un honneur de posséder une pièce sortie de ses mains ? Certes, il n’aurait même pas la peine d’aller à domicile débiter sa marchandise que le public se disputerait sur place. Cette vente était décidément une idée géniale.

Ce soir-là, outre qu’il vendit aisément son poisson, les invitations ne lui manquèrent pas. Ilia Brusch, qui semblait désireux de quitter son embarcation le moins possible, les repoussa toutes, comme il refusa avec énergie les bons verres de vin et les bons moss de bière, qu’on le priait de tous côtés de venir boire dans les cabarets de la rive. Ses admirateurs durent y renoncer et se séparer de leur héros, après avoir pris rendez-vous pour le lendemain au moment du départ.

Mais, le lendemain, ils ne trouvèrent plus la barge. Ilia Brusch était parti avant l’aube, et, profitant de la solitude de cette heure matinale, il godillait avec ardeur en se maintenant au milieu du fleuve, à égale distance de ses rives assez escarpées. Aidé par le courant rapide, il passa vers cinq heures du matin à Sigmaringen, à quelques mètres du Rendez-vous des Pêcheurs. Sans doute, un peu plus tard, l’un ou l’autre des membres de la Ligue Danubienne viendrait s’accouder au balcon du cabaret, afin de guetter l’arrivée de son glorieux collègue. Il la guetterait vainement. Le pêcheur alors serait loin, s’il continuait à aller de ce train.