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le pays des fourrures.

— Non, madame, et, pendant trente ans encore, malgré l’importance de la récompense promise par le parlement, aucune tentative ne fut faite pour reprendre l’exploration géographique de cette portion du continent américain, ou plutôt de l’Amérique anglaise, — car c’est le nom qu’il convient de lui conserver. Ce ne fut qu’en 1769 qu’un agent de la Compagnie tenta de reprendre les travaux de Moor et de Smith.

— La Compagnie était donc revenue de ses idées étroites et égoïstes, monsieur Jasper ?

— Non, madame, pas encore. Samuel Hearne, — c’est le nom de cet agent, — n’avait d’autre mission que de reconnaître la situation d’une mine de cuivre, que les coureurs indigènes avaient signalée. Ce fut le 6 novembre 1769 que cet agent quitta le fort du Prince-de-Galles, situé sur la rivière Churchill, près de la côte occidentale de la baie d’Hudson. Samuel Hearne s’avança hardiment dans le nord-ouest ; mais le froid devint si rigoureux que, ses vivres épuisés, il dut retourner au fort du Prince-de-Galles. Heureusement, ce n’était point un homme à se décourager. Le 23 février de l’année suivante, il repartit, emmenant quelques Indiens à sa suite. Les fatigues de ce second voyage furent extrêmes. Le gibier et le poisson, sur lesquels comptait Samuel Hearne, manquèrent souvent. Il lui arriva même une fois de rester sept jours sans manger autre chose que des fruits sauvages, des morceaux de vieux cuir et des os brûlés. Force fut encore à ce voyageur intrépide de revenir à la factorerie sans avoir obtenu aucun résultat. Mais il ne se rebuta pas. Il partit une troisième fois, le 7 décembre 1770, et, après dix-neuf mois de luttes, le 13 juillet 1772, il découvrit la Coppermine-river, qu’il descendit jusqu’à son embouchure, et là, il prétendit avoir vu la mer libre. C’était la première fois que la côte septentrionale de l’Amérique était atteinte.

— Mais le passage du nord-ouest, c’est-à-dire cette communication directe entre l’Atlantique et le Pacifique, n’était point découvert ? demanda Mrs. Paulina Barnett.

— Non, madame, répondit le lieutenant, et que de marins aventureux le cherchèrent depuis lors ! Phipps en 1773, James Cook et Clerke de 1776 à 1779, Kotzebue de 1815 à 1818, Ross, Parry, Franklin et tant d’autres se dévouèrent à cette tâche difficile, mais inutilement, et il faut arriver au découvreur de notre temps, à l’intrépide Mac Clure, pour trouver le seul homme qui ait réellement passé d’un océan à l’autre en traversant la mer polaire.

— En effet, monsieur Jasper, répondit Mrs. Paulina Barnett, et c’est un fait géographique dont, nous autres Anglais, nous devons être fiers ! Mais, dites-moi, la Compagnie de la baie d’Hudson, revenue enfin à des