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le pays des fourrures.

Mrs. Paulina Barnett avait raison, sans doute, de parler ainsi. En effet, que de dangers, que d’obstacles semés sur cette route pendant l’hiver, que de fatigues au milieu d’une longue nuit arctique, et à cinq cents milles de la côte !

Le 5 mai, Jasper Hobson annonça à ses compagnons que l’île Victoria venait de franchir le Cercle polaire. Elle rentrait enfin dans cette zone du sphéroïde terrestre que le soleil n’abandonne jamais, même pendant sa plus grande déclinaison australe. Il sembla à tous ces braves gens qu’ils revenaient dans le monde habité.

On but quelques bons coups ce jour-là, et on arrosa le Cercle polaire comme on eût fait de l’Équateur, à bord d’un bâtiment coupant la ligne pour la première fois.

Désormais, il n’y avait plus qu’à attendre le moment où les glaces, disloquées et à demi fondues, pourraient livrer passage à l’embarcation qui emporterait toute la colonie avec elle !

Pendant la journée du 7 mai, l’île éprouva encore un changement d’orientation d’un quart de circonférence. Le cap Bathurst pointait maintenant au nord, ayant au-dessus de lui les masses qui étaient restées debout de l’ancienne banquise. Il avait donc à peu près repris l’orientation que lui assignaient les cartes géographiques, à l’époque où il était fixé au continent américain. L’île avait fait un tour complet sur elle-même, et le soleil levant avait successivement salué tous les points de son littoral.

L’observation du 8 mai fit aussi connaître que l’île, immobilisée, tenait à peu près le milieu de la passe, à moins de quarante milles du cap du Prince-de-Galles. Ainsi donc, la terre était là, à une distance relativement courte, et le salut de tous dut paraître assuré.

Le soir, on fit un bon souper dans la grande salle. Des toasts furent portés à Mrs. Paulina Barnett et au lieutenant Hobson.

Cette nuit même, le lieutenant résolut d’aller observer les changements qui avaient pu se produire au sud dans le champ de glace, qui présenterait peut-être quelque ouverture praticable.

Mrs. Paulina Barnett voulait accompagner Jasper Hobson pendant cette exploration, mais celui-ci obtint qu’elle prendrait quelque repos, et il n’emmena avec lui que le sergent Long. Mrs. Paulina Barnett se rendit aux instances du lieutenant, et elle rentra dans la maison principale avec Madge et Kalumah. De leur côté, les soldats et les femmes avaient regagné leurs couchettes accoutumées dans l’annexe qui leur était réservée.

La nuit était belle. En l’absence de la lune, les constellations brillaient