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une communication de jasper hobson.

généreuse animation, elle dira que vous avez fait votre devoir, que vous ne pouvez pas être responsable des caprices de la nature, plus puissante partout et toujours que la main et l’esprit de l’homme ! Elle comprendra que vous ne pouviez prévoir ce qui est arrivé, car cela était en dehors des prévisions humaines ! Elle saura enfin que, grâce à votre prudence et à votre énergie morale, elle n’aura pas à regretter la perte d’un seul des compagnons qu’elle vous avait confiés.

— Merci, madame, répondit le lieutenant en serrant la main de Mrs. Paulina Barnett, je vous remercie de ces paroles que vous inspire votre cœur, mais je connais un peu les hommes, et, croyez-moi, mieux vaut réussir qu’échouer. Enfin, à la grâce du Ciel ! »

Le sergent Long, voulant couper court aux idées tristes de son lieutenant, ramena la conversation sur les circonstances présentes ; il parla des préparatifs à commencer pour un prochain départ, et enfin il lui demanda s’il comptait enfin apprendre à ses compagnons la situation réelle de l’île Victoria.

« Attendons encore, répondit Jasper Hobson, nous avons par notre silence épargné jusqu’ici bien des inquiétudes à ces pauvres gens, attendons que le jour de notre départ soit définitivement fixé, et nous leur ferons connaître alors la vérité tout entière ! »

Ce point arrêté, les travaux habituels de la factorerie continuèrent pendant les semaines suivantes.

Quelle était, il y a un an, la situation des habitants alors heureux et contents, du fort Espérance ?

Il y a un an, les premiers symptômes de la saison froide apparaissaient tels qu’ils étaient alors. Les jeunes glaces se formaient peu à peu sur le littoral. Le lagon, dont les eaux étaient plus tranquilles que celles de la mer, se prenaient d’abord. La température se tenait pendant le jour à un ou deux degrés au-dessus de la glace fondante et s’abaissait de trois ou quatre degrés au-dessous pendant la nuit. Jasper Hobson commençait à faire revêtir à ses hommes les habits d’hiver, les fourrures, les vêtements de laine. On installait les condenseurs à l’intérieur de la maison. On nettoyait le réservoir à air et les pompes d’aération. On tendait des trappes autour de l’enceinte palissadée, aux environs du cap Bathurst, et Sabine et Marbre s’applaudissaient de leurs succès de chasseurs. Enfin, on terminait les derniers travaux d’appropriation de la maison principale.

Cette année, ces braves gens procédèrent de la même façon. Bien que, par le fait, le fort Espérance fût en latitude environ de deux degrés plus haut qu’au commencement du dernier hiver, cette différence ne devait pas amener une modification sensible dans l’état moyen de la température. En effet, entre le soixante-dixième et le soixante-douzième parallèle,