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dix jours de tempête.

— Je ne saurais l’affirmer, madame, répondit le lieutenant Hobson, mais je vous ferai observer que tout vaut mieux pour nous que ce temps magnifique, pendant lequel le soleil échauffe continuellement les eaux de la mer. En outre, je vois que le vent s’est fixé au nord-ouest, et comme il est très violent, notre île, par sa masse même, ne peut échapper à son influence. Je ne serais donc pas étonné qu’elle se rapprochât du continent américain.

— Malheureusement, dit le sergent Long, nous ne pourrons pas relever chaque jour notre situation. Au milieu de cette atmosphère embrumée, il n’y a plus ni soleil, ni lune, ni étoiles ! Allez donc prendre hauteur dans ces conditions !

— Bon, sergent Long, répondit Mrs. Paulina Barnett, si la terre nous apparaît, nous saurons bien la reconnaître, je vous le garantis. Quelle qu’elle soit, d’ailleurs, elle sera bien venue. Remarquez que ce sera nécessairement une portion quelconque de l’Amérique russe et probablement la Géorgie occidentale.

— Cela est présumable, en effet, ajouta Jasper Hobson, car, malheureusement pour nous, il n’y a, dans toute cette portion de la mer Arctique, ni un îlot, ni une île, ni même une roche à laquelle nous puissions nous raccrocher !

— Eh ! dit Mrs. Paulina Barnett, pourquoi notre véhicule ne nous transporterait-il pas tout droit à la côte d’Asie ? Ne peut-il, sous l’influence des courants, passer à l’ouvert du détroit de Behring et aller se souder au pays des Tchouktchis ?

— Non, madame, non, répondit le lieutenant Hobson, notre glaçon rencontrerait bientôt le courant du Kamtchatka et il serait rapidement reporté dans le nord-est, ce qui serait fort regrettable. Non. Il est plus probable que, sous la poussée du vent de nord-ouest, nous nous rapprocherons des rivages de l’Amérique russe !

— Il faudra veiller, monsieur Hobson, dit la voyageuse, et autant que possible reconnaître notre direction.

— Nous veillerons, madame, répondit Jasper Hobson, bien que ces épaisses brumes limitent singulièrement nos regards. Au surplus, si nous sommes jetés à la côte, le choc sera violent et nous le ressentirons nécessairement. Espérons qu’à ce moment l’île ne se brisera pas en morceaux ! C’est là un danger ! Mais enfin, s’il se produit, nous aviserons. Jusque-là, rien à faire. »

Il va sans dire que cette conversation ne se tenait pas dans la salle commune, où la plupart des soldats et les femmes étaient installés pendant les heures de travail. Mrs. Paulina Barnett causait de ces choses dans sa propre