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le pays des fourrures.

Maître Mac Nap exécuta même un des projets qui lui tenaient le plus au cœur, et que son chef approuva. Aux angles qui formaient saillant sur le lac, il éleva deux petites poivrières aiguës qui complétaient l’œuvre, et le caporal Joliffe soupirait après le moment où il irait y relever les sentinelles. Cela donnait à l’ensemble des constructions un aspect militaire qui le réjouissait.

La palissade entièrement achevée, Mac Nap, se rappelant les rigueurs du dernier hiver, construisit un nouveau hangar à bois sur le flanc même de la maison principale, à droite, de telle sorte qu’on pouvait communiquer avec ce hangar bien clos, par une porte intérieure, sans être obligé de s’aventurer au-dehors. De cette façon, le combustible serait toujours sous la main des consommateurs. Sur le flanc gauche, le charpentier bâtit, en retour, une vaste salle destinée au logement des soldats, de façon à débarrasser du lit de camp la salle commune. Cette salle fut uniquement consacrée, désormais, aux repas, aux jeux, au travail. Le nouveau logement, depuis lors, servit exclusivement d’habitation aux trois ménages qui furent établis dans des chambres particulières, et aux autres soldats de la colonie. Un magasin spécial, destiné aux fourrures, fut également élevé en arrière de la maison, près de la poudrière, ce qui laissa libre tout le grenier, dont les chevrons et les fermes furent assujettis au moyen de crampons de fer, de manière à défier toute agression.

Mac Nap avait aussi l’intention de construire une petite chapelle en bois. Cet édifice était compris dans les plans primitifs de Jasper Hobson et devait compléter l’ensemble de la factorerie. Mais son érection fut remise à la prochaine saison d’été.

Avec quel soin, quel zèle, quelle activité le lieutenant Hobson aurait autrefois suivi tous ces détails de son établissement ! S’il eût bâti sur un terrain solide, avec quel plaisir il aurait vu ces maisons, ces hangars, ces magasins, s’élever autour de lui ! Et ce projet, désormais inutile, qu’il avait formé de couronner le cap Bathurst par un ouvrage qui eût assuré la sécurité du fort Espérance ! Le fort Espérance ! Ce nom, maintenant, lui serrait le cœur ! Le cap Bathurst avait pour jamais quitté le continent américain, et le fort Espérance se fût plus justement appelé le fort Sans-Espoir !

Ces divers travaux occupèrent la saison tout entière, et les bras ne chômèrent pas. La construction du bateau marchait régulièrement. D’après les plans de Mac Nap, il devait jauger une trentaine de tonneaux, et cette capacité serait suffisante pour qu’il pût, dans la belle saison, transporter une vingtaine de passagers pendant quelques centaines de milles. Le charpentier avait heureusement trouvé quelques bois courbes qui lui avaient per-