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où l’on est.

carte, un courant inconnu des hydrographes de ces côtes, l’entraînait évidemment vers le détroit de Behring. Tous les dangers pressentis par Jasper Hobson étaient donc à craindre, si, avant l’hiver, l’île Victoria n’était pas ramenée au littoral.

« Mais à quelle distance exacte sommes-nous du continent américain ? demanda la voyageuse. Voilà, pour l’instant, quelle est la question intéressante. »

Jasper Hobson prit son compas et mesura avec soin la plus étroite portion de mer, laissée sur la carte entre le littoral et le soixante-treizième parallèle.

« Nous sommes actuellement à plus de deux cent cinquante milles de cette extrémité nord de l’Amérique russe, formée par la pointe Barrow, répondit-il.

— Il faudrait savoir alors de combien de milles l’île a dérivé depuis la position occupée autrefois par le cap Bathurst ? demanda le sergent Long.

— De sept cents milles au moins, répondit Jasper Hobson, après avoir à nouveau consulté la carte.

— Et à quelle époque, à peu près, peut-on admettre que la dérive ait commencé ?

— Sans doute vers la fin d’avril, répondit le lieutenant Hobson. À cette époque, en effet, l’icefield s’est désagrégé, et les glaçons que le soleil ne fondait pas ont été entraînés vers le nord. On peut donc admettre que l’île Victoria, sollicitée par ce courant parallèle au littoral, dérive vers l’ouest depuis trois mois environ, ce qui donnerait une moyenne de neuf à dix milles par jour.

— Mais n’est-ce point une vitesse considérable ? demanda Mrs. Paulina Barnett.

— Considérable en effet, répondit Jasper Hobson, et vous jugez jusqu’où nous pouvons être entraînés pendant les deux mois d’été qui laisseront libre encore cette portion de l’océan Arctique ! »

Le lieutenant, Mrs. Paulina Barnett et le sergent Long demeurèrent silencieux pendant quelques instants. Leurs yeux ne quittaient pas la carte de ces régions polaires qui se défendent si obstinément contre les investigations de l’homme, et vers lesquelles ils se sentaient irrésistiblement emportés !

« Ainsi, dans cette situation, nous n’avons rien à faire, rien à tenter ? demanda la voyageuse.

— Rien, madame, répondit le lieutenant Hobson, rien. Il faut attendre, il faut appeler de tous nos vœux cet hiver arctique, si généralement, si