Page:Verne - Le Pays des fourrures.djvu/208

Cette page a été validée par deux contributeurs.
198
le pays des fourrures.

encore cinq éclipses totales de soleil jusqu’en 1900 : une première, le 31 décembre 1861, qui sera totale pour l’océan Atlantique, la Méditerranée et le désert de Sahara ; une seconde, le 22 décembre 1870, totale pour les Açores, l’Espagne méridionale, l’Algérie, la Sicile et la Turquie ; une troisième, le 19 août 1887, totale pour le nord-est de l’Allemagne, la Russie méridionale et l’Asie centrale ; une quatrième, le 9 août 1896, visible pour le Groënland, la Laponie et la Sibérie, et enfin, en 1900, le 28 mai, une cinquième qui sera totale pour les États-Unis, l’Espagne, l’Algérie et l’Égypte.

— Eh bien, monsieur Black, reprit Mrs. Paulina Barnett, si vous manquez l’éclipse du 18 juillet 1860, vous vous consolerez avec celle du 31 décembre 1861 ! Qu’est-ce que dix-sept mois !

— Pour me consoler, madame, répondit gravement l’astronome, ce ne serait pas dix-sept mois, mais vingt-six ans que j’aurais à attendre !

— Et pourquoi ?

— C’est que, de toutes ces éclipses, une seule, celle du 9 août 1896, sera totale pour les lieux situés en haute latitude, tels que Laponie, Sibérie ou Groënland !

— Mais quel intérêt avez-vous à faire une observation sous un parallèle aussi élevé ? demanda Mrs. Paulina Barnett.

— Quel intérêt, madame ! s’écria Thomas Black, mais un intérêt scientifique de la plus haute importance. Rarement les éclipses ont été observées dans les régions rapprochées du pôle, où le soleil, peu élevé au-dessus de l’horizon, présente, en apparence, un disque considérable. Il en est de même pour la lune, qui vient l’occulter, et il est possible que, dans ces conditions, l’étude de la couronne lumineuse et des protubérances puisse être plus complète ! Voilà pourquoi, madame, je suis venu opérer au-dessus du soixante-dixième parallèle ! Or, ces conditions ne se reproduiront qu’en 1896 ! M’assurez-vous que je vivrai jusque-là ? »

À cette argumentation, il n’y avait rien à répondre. Thomas Black continua donc d’être fort malheureux, car l’inconstance du temps menaçait de lui jouer un mauvais tour.

Le 16 juillet, il fit très beau. Mais le lendemain, par contre, temps couvert, brumes épaisses. C’était à se désespérer. Thomas Black fut réellement malade ce jour-là. L’état fiévreux dans lequel il vivait depuis quelque temps menaçait de dégénérer en maladie véritable. Mrs. Paulina Barnett et Jasper Hobson essayaient vainement de le calmer. Quant au sergent Long et aux autres, ils ne comprenaient point qu’on se rendît si malheureux « par amour de la lune » !

Le lendemain, 18 juillet, c’était enfin le grand jour. L’éclipse totale devait durer, d’après les calculs des éphémérides, quatre minutes trente-sept se-