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l’éclipse du 18 juillet 1860.

La voyageuse regarda le lieutenant Hobson, dont le front était évidemment soucieux, et qui, avec un accent singulier, avait souligné le mot « facilement ! »

« Lieutenant Hobson, lui dit-elle, puisque vous ne craignez rien, ni de la part des animaux, ni de la part des hommes, je dois croire que ce sont les éléments…

— Madame, répondit Jasper Hobson, je ne sais si j’ai l’esprit frappé, si mes pressentiments m’aveuglent, mais il me semble que ce pays est étrange. Si je l’avais mieux connu, je crois que je ne m’y serais pas fixé. Je vous ai déjà fait observer certaines particularités qui m’ont semblé inexplicables, telles que le manque absolu de pierres sur tout le territoire, et la coupure si nette du littoral ! La formation primitive de ce bout de continent ne me paraît pas claire ! Je sais bien que le voisinage d’un volcan peut produire certains phénomènes… Vous rappelez-vous ce que je vous ai dit au sujet des marées.

— Parfaitement, monsieur Hobson.

— Là où la mer, d’après les observations faites par les explorateurs sur ces parages, devrait monter de quinze ou vingt pieds, elle ne s’élève que d’un pied à peine !

— Sans doute, répondit Mrs. Paulina Barnett, mais vous avez expliqué cet effet par la configuration bizarre des terres, le resserrement des détroits…

— J’ai tenté d’expliquer, et voilà tout ! répondit le lieutenant Hobson, mais avant-hier, j’ai observé un phénomène encore plus invraisemblable, phénomène que je ne vous expliquerai pas, et je doute que de plus savants parvinssent à le faire. »

Mrs. Paulina Barnett regarda Jasper Hobson. « Que s’est-il donc passé ? lui demanda-t-elle.

— Avant-hier, madame, c’était jour de pleine lune, et la marée, d’après l’annuaire, devait être très forte ! Eh bien, la mer ne s’est pas même élevée d’un pied comme autrefois ! Elle ne s’est pas élevée « du tout ! »

— Vous avez pu vous tromper ! fit observer Mrs. Paulina Barnett au lieutenant.

— Je ne me suis pas trompé. J’ai observé moi-même. Avant-hier, 4 juillet, la marée a été nulle, absolument nulle sur le littoral du cap Bathurst !

— Et vous en concluez, monsieur Hobson ?… demanda Mrs. Paulina Barnett.

— J’en conclus, madame, répondit le lieutenant, ou que les lois de la nature sont changées, ou… que ce pays est dans une situation particu-