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les grands ours polaires.

— Eh bien, monsieur Hobson, dit Mrs. Paulina Barnett, rien n’aura manqué à notre hivernage ! Après le froid, les ours.

— Non pas « après », répondit le lieutenant Hobson, mais, ce qui est plus grave, « pendant » le froid, et un froid qui nous empêche de nous hasarder au-dehors ! Je ne sais donc pas comment nous pourrons nous débarrasser de ces malfaisantes bêtes.

— Mais elles perdront patience, je suppose, répondit la voyageuse, et elles s’en iront comme elles sont venues ! »

Jasper Hobson secoua la tête, en homme peu convaincu.

« Vous ne connaissez pas ces animaux, madame, répondit-il. Ce rigoureux hiver les a affamés, et ils ne quitteront point la place, à moins qu’on ne les y force !

— Êtes-vous donc inquiet, monsieur Hobson ? demanda Mrs. Paulina Barnett.

— Oui et non, répondit le lieutenant. Ces ours, je sais bien qu’ils n’entreront pas dans la maison ; mais nous, je ne sais pas comment nous en sortirons, si cela devient nécessaire ! »

Cette réponse faite, Jasper Hobson retourna près de la fenêtre. Pendant ce temps, Mrs. Paulina Barnett, Madge et les autres femmes, réunies autour du sergent, écoutaient ce brave soldat, qui traitait cette « question des ours » en homme d’expérience. Maintes fois, le sergent Long avait eu affaire à ces carnassiers, dont la rencontre est fréquente, même sur les territoires du sud, mais c’était dans des conditions où l’on pouvait les attaquer avec succès. Ici, les assiégés étaient bloqués, et le froid les empêchait de tenter aucune sortie.

Pendant toute la journée, on surveilla attentivement les allées et venues des ours. De temps en temps, l’un de ces animaux venait poser sa grosse tête près de la vitre, et on entendait un sourd grognement de colère. Le lieutenant Hobson et le sergent Long tinrent conseil, et ils décidèrent que si les ours n’abandonnaient pas la place, on pratiquerait quelques meurtrières dans les murs de la maison, afin de les chasser à coups de fusil. Mais il fut décidé aussi qu’on attendrait un jour ou deux avant d’employer ce moyen d’attaque, car Jasper Hobson ne se souciait pas d’établir une communication quelconque entre la température extérieure et la température intérieure de la chambre, si basse déjà. L’huile de morse, que l’on introduisait dans les poêles, était solidifiée en glaçons tellement durs, qu’il fallait briser ces glaçons à coups de hache.

La journée s’acheva sans autre incident. Les ours allaient, venaient, faisant le tour de la maison, mais ne tentant aucune attaque directe. Les soldats veillèrent toute la nuit, et, vers quatre heures du matin, on put