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l’approche de l’hiver.

sans que plusieurs de ces animaux fussent signalés. La nuit venue, ils s’avançaient jusqu’au pied même de l’enceinte. Quelques-uns furent blessés à coups de fusil et s’éloignèrent, tachant la neige de leur sang. Mais, à la date du 10 octobre, aucun n’avait encore abandonné sa chaude et précieuse fourrure aux mains des chasseurs. Du reste, Jasper Hobson ne permettait point à ses hommes d’attaquer ces formidables bêtes. Avec elles, il valait mieux rester sur la défensive, et peut-être le moment approchait-il où, poussés par la faim, ces carnivores tenteraient quelque attaque contre le fort Espérance. On verrait alors à se défendre et à s’approvisionner tout à la fois.

Pendant quelques jours, le temps demeura sec et froid. La neige présentait une surface dure, très favorable à la marche. Aussi fit-on quelques excursions sur le littoral et au sud du fort. Le lieutenant Hobson désirait savoir si, les agents des pelletiers de Saint-Louis ayant quitté le territoire, on retrouverait aux environs quelques traces de leur passage, mais les recherches furent vaines. Il était supposable que les Américains avaient dû redescendre vers quelque établissement plus méridional, afin d’y passer les mois d’hiver.

Ces quelques beaux jours ne durèrent pas, et, pendant la première semaine de novembre, le vent ayant sauté au sud, bien que la température se fût adoucie, la neige tomba en grande abondance. Elle couvrit bientôt le sol sur une hauteur de plusieurs pieds. Il fallut chaque jour déblayer les abords de la maison, et ménager une allée qui conduisait à la poterne, à l’étable des rennes et au chenil. Les excursions devinrent plus rares, et il fallut employer les raquettes ou chaussures à neige.

En effet, quand la couche neigeuse est durcie par le froid, elle supporte sans céder le poids d’un homme et laisse au pied un appui solide. La marche ordinaire n’est donc pas entravée. Mais quand cette neige est molle, il serait impossible à un marcheur de faire un pas sans y enfoncer jusqu’au genou. C’est dans ces circonstances que les Indiens font usage des raquettes.

Le lieutenant Hobson et ses compagnons étaient habitués à se servir de ces « snow-shoes », et sur la neige friable ils couraient avec la rapidité d’un patineur sur la glace. Mrs. Paulina Barnett s’était déjà accoutumée à ce genre de chaussures, et bientôt elle put rivaliser de vitesse avec ses compagnons. De longues promenades furent faites aussi bien sur le lac glacé que sur le littoral. On put même s’avancer pendant plusieurs milles à la surface solide de l’Océan, car la glace mesurait alors une épaisseur de plusieurs pieds. Mais ce fut une excursion fatigante, car l’icefield était raboteux ; partout des glaçons superposés, des hummocks qu’il fallait tourner ; plus loin, la chaîne d’icebergs, ou plutôt la banquise présentant un infranchissable obstacle, car sa crête s’élevait à une hauteur de cinq cents pieds. Ces ice-