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le pays des fourrures.

— Pourquoi donc, monsieur Hobson ? demanda Mrs. Paulina Barnett, assez surprise de cette réponse.

— Parce que ces amphibies ne fréquentent que les rivages à pente douce, sur lesquels ils peuvent ramper en sortant de la mer.

— Mais le littoral du cap ?…

— Le littoral du cap, répondit Jasper Hobson, est accore comme un mur de courtine. Son rivage ne présente aucune déclivité. Il semble qu’il ait été coupé à pic. C’est encore là, madame, une inexplicable singularité de ce territoire, et quand nos pêcheurs voudront pêcher sur ses bords, leurs lignes ne devront pas avoir moins de trois cents brasses de fond ! Pourquoi cette disposition ? Je l’ignore, mais je suis porté à croire qu’il y a bien des siècles, une rupture violente, due à quelque action volcanique, aura séparé du littoral une portion du continent, maintenant engloutie dans la mer Glaciale ! »


CHAPITRE XVI.

deux coups de feu.


La première moitié du mois de septembre s’était écoulée. Si le fort Espérance eût été situé au pôle même, c’est-à-dire vingt degrés plus haut en latitude, le 21 du présent mois, la nuit polaire l’aurait déjà enveloppé de ténèbres. Mais sur ce soixante-dixième parallèle, le soleil allait se traîner circulairement au-dessus de l’horizon pendant plus d’un mois encore. Déjà, pourtant, la température se refroidissait sensiblement. Pendant la nuit, le thermomètre tombait à trente et un degrés Fahrenheit (1° centig. au-dessous de zéro). De jeunes glaces se formaient çà et là, que les derniers rayons solaires dissolvaient pendant le jour. Quelques bourrasques de neige passaient au milieu des rafales de pluie et du vent. La mauvaise saison était évidemment prochaine.

Mais les habitants de la factorerie pouvaient l’attendre sans crainte. Les approvisionnements actuellement emmagasinés devaient suffire et au-delà. La réserve de venaison sèche s’était accrue. Une vingtaine d’autres morses avaient été tués. Mac Nap avait eu le temps de construire une étable bien close, destinée aux rennes domestiques, et en arrière de la maison, un vaste hangar qui renfermait le combustible. L’hiver, c’est-à-dire la nuit, la neige, la glace, le froid, pouvait venir.