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le pays des fourrures.

heureusement les nouvelles constructions avaient été rapidement conduites. Maître Mac Nap et ses hommes faisaient des prodiges d’activité. La « dog-house » n’attendit bientôt plus qu’un dernier coup de marteau, et la palissade se dressait presque en entier déjà sur le périmètre assigné au fort. On s’occupa alors d’établir la poterne qui devait donner accès dans la cour intérieure. Cette enceinte, faite de gros pieux pointus, hauts de quinze pieds, formait une sorte de demi-lune ou de cavalier sur sa partie antérieure. Mais afin de compléter le système de fortification, il fallait couronner le sommet du cap Bathurst qui commandait la position. On le voit, le lieutenant Jasper Hobson admettait le système de l’enceinte continue et des forts détachés : grand progrès dans l’art des Vauban et des Cormontaigne. Mais, en attendant le couronnement du cap, la palissade suffisait à mettre les nouvelles constructions à l’abri « d’un coup de patte », sinon d’un coup de main.

Le 4 septembre, Jasper Hobson décida que ce jour serait employé à chasser les amphibies du littoral. Il s’agissait, en effet, de s’approvisionner à la fois en combustible et en luminaire, avant que la mauvaise saison ne fût arrivée.

Le campement des phoques était éloigné d’une quinzaine de milles. Jasper Hobson proposa à Mrs. Paulina Barnett de suivre l’expédition. La voyageuse accepta. Non pas que le massacre projeté fût très attrayant par lui-même, mais voir le pays, observer les environs du cap Bathurst, et précisément cette partie du littoral que bordaient de hautes falaises, il y avait de quoi tenter sa curiosité.

Le lieutenant Hobson désigna pour l’accompagner le sergent Long et les soldats Petersen, Hope et Kellet.

On partit à huit heures du matin. Deux traîneaux, attelés chacun de six chiens, suivaient la petite troupe, afin de rapporter au fort le corps des amphibies.

Ces traîneaux étant vides, le lieutenant, Mrs. Paulina Barnett et leurs compagnons y prirent place. Le temps était beau, mais les basses brumes de l’horizon tamisaient les rayons du soleil, dont le disque jaunâtre, à cette époque de l’année, disparaissait déjà pendant quelques heures de la nuit.

Cette partie du littoral, dans l’ouest du cap Bathurst, présentait une surface absolument plane, qui s’élevait à peine de quelques mètres au-dessus du niveau de l’océan Polaire. Or cette disposition du sol attira l’attention du lieutenant Hobson, et voici pourquoi.

Les marées sont assez fortes dans les mers arctiques, ou, du moins, elles passent pour telles. Bien des navigateurs qui les ont observées, Parry, Franklin, les deux Ross, Mac Clure, Mac Clintock, ont vu la mer, à l’époque des syzygies, monter de vingt à vingt-cinq pieds au-dessus du niveau