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le pays des fourrures.

l’autre cabine éclairée sur la façade de la cour, et l’astronome en avait immédiatement pris possession. Quant à lui, en attendant que ses hommes fussent logés dans des bâtiments nouveaux, il se contenta d’une sorte de cellule à demi sombre, attenant à la salle à manger, et qui s’éclairait tant bien que mal au moyen d’un œil-de-bœuf percé dans le mur de refend. Mrs. Joliffe, Mrs. Mac Nap et Mrs. Raë occupaient avec leurs maris les autres cabines. C’étaient trois bons ménages, forts unis, qu’il eût été cruel de séparer. D’ailleurs, la petite colonie ne devait pas tarder à compter un nouveau membre, et maître Mac Nap, — un certain jour, — n’avait pas hésité à demander à Mrs. Paulina Barnett si elle voudrait lui faire l’honneur d’être marraine vers la fin de la présente année. Ce que Mrs. Paulina Barnett accepta avec grande satisfaction.

On avait entièrement déchargé les traîneaux et transporté la literie dans les différentes chambres. Dans le grenier, auquel on arrivait par une échelle placée au fond du couloir d’entrée, on relégua les ustensiles, les provisions, les munitions, dont on ne devait pas faire un usage immédiat. Les vêtements d’hiver, bottes ou casaques, fourrures et pelleteries, y trouvèrent place dans de vastes armoires, à l’abri de l’humidité.

Ces premiers travaux terminés, le lieutenant s’occupa du chauffage futur de la maison. Il fit faire, sur les collines boisées, une provision considérable de combustible, sachant bien que, par certaines semaines de l’hiver, il serait impossible de s’aventurer au dehors. Il songea même à utiliser la présence des phoques sur le littoral, de manière à se procurer une abondante réserve d’huile, — le froid polaire devant être combattu par les plus énergiques moyens. D’après son ordre et sous sa direction, on établit dans la maison des condensateurs destinés à recueillir l’humidité interne, appareils qu’il serait facile de débarrasser de la glace dont ils se rempliraient pendant l’hiver.

Cette question du chauffage, très grave assurément, préoccupait beaucoup le lieutenant Hobson.

« Madame, disait-il quelquefois à la voyageuse, je suis un enfant des régions arctiques, j’ai quelque expérience de ces choses, et j’ai surtout lu et relu bien des récits d’hivernage. On ne saurait prendre trop de précautions quand il s’agit de passer la saison du froid dans ces contrées. Il faut tout prévoir, car un oubli, un seul, peut amener d’irréparables catastrophes pendant les hivernages.

— Je vous crois, monsieur Hobson, répondait Mrs. Paulina Barnett, et je vois bien que le froid aura en vous un terrible adversaire. Mais la question d’alimentation ne vous paraît-elle pas aussi importante ?

— Tout autant, madame, et je compte bien vivre sur le pays pour