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un hivernage dans les glaces.

furent aperçus. La Jeune-Hardie n’avait pas un moment à perdre, car bientôt la route devait lui être absolument fermée. Elle s’avança donc à travers les passes que laissaient entre elles des plaines ayant jusqu’à trente pieds d’épaisseur.

Le 3 septembre au matin, la Jeune-Hardie parvint à la hauteur de la baie de Gaël-Hamkes. La terre se trouvait alors à trente milles sous le vent. Ce fut la première fois que le brick s’arrêta devant un banc de glace qui ne lui offrait aucun passage et qui mesurait au moins un mille de largeur. Il fallut donc employer les scies pour couper la glace. Penellan, Aupic, Gradlin et Turquiette furent préposés à la manœuvre de ces scies, qu’on avait installées en dehors du navire. Le tracé des coupures fut fait de telle sorte que le courant pût emporter les glaçons détachés du banc. Tout l’équipage réuni mit près de vingt heures à ce travail. Les hommes éprouvaient une peine extrême à se maintenir sur la glace ; souvent ils étaient forcés de se mettre dans l’eau jusqu’à mi-corps, et leurs vêtements de peau de phoque ne les préservaient que très-imparfaitement de l’humidité.

D’ailleurs, sous ces latitudes élevées, tout travail excessif est bientôt suivi d’une fatigue absolue, car la respiration manque promptement, et le plus robuste est forcé de s’arrêter souvent.

Enfin la navigation redevint libre, et le brick fut remorqué au delà du banc qui l’avait si longtemps retenu.


VI

le tremblement de glaces


Pendant quelques jours encore, la Jeune-Hardie lutta contre d’insurmontables obstacles. L’équipage eut presque toujours la scie à la main, et souvent même on fut forcé d’employer la poudre pour faire sauter les énormes blocs de glaces qui coupaient le chemin.

Le 12 septembre, la mer n’offrit plus qu’une plaine solide, sans issue, sans passe, qui entourait le navire de tous côtés, de sorte qu’il ne pouvait ni avancer ni reculer. La température se maintenait, en moyenne, à seize degrés au-dessous de zéro. Le moment de l’hivernage était donc venu, et la saison d’hiver arrivait avec ses souffrances et ses dangers.

La Jeune-Hardie se trouvait alors à peu près par le vingt et unième degré de