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le chancellor.

Parmi ces hommes, l’un d’eux est un esprit enclin à la révolte, un meneur, dont j’ai déjà parlé, le matelot Owen. Il a quarante ans environ. Sa face se termine en pointe par une barbe rougeâtre, presque nulle ou rase sur les joues, ses lèvres sont repliées en dedans, et ses yeux fauves sont marqués d’un point rouge à la jonction des paupières. Il a le nez droit, les oreilles très-écartées, le front profondément plissé par des rides méchantes.

Le premier, il abandonne son poste.

Cinq ou six de ses camarades l’imitent, et parmi eux je remarque le maître-coq Jynxtrop, — un mauvais homme aussi.

Aux ordres de Robert Kurtis, qui leur recommande de retourner aux pompes, Owen répond par un non formel.

Le capitaine réitère son injonction.

Owen réitère son refus.

Robert Kurtis s’approche du matelot révolté.

« Je ne vous conseille pas de me toucher ! » dit froidement Owen, qui remonte sur le gaillard d’avant.

Robert Kurtis se dirige alors vers la dunette, entre dans sa cabine et en sort avec un revolver armé.

Owen regarde un instant Robert Kurtis, mais Jynxtrop lui fait un signe, et tous reprennent leur travail.

xxiv

— 4 décembre. — Le premier mouvement de révolte a été arrêté par l’attitude énergique du capitaine. Robert Kurtis sera-t-il aussi heureux à l’avenir ? Il faut l’espérer, car l’indiscipline de l’équipage rendrait terrible une situation déjà si grave.

Pendant la nuit, les pompes ne peuvent plus franchir. Les mouvements du navire sont lourds, et, comme il lui est très-difficile de s’élever à la lame, il reçoit des paquets de mer qui l’assomment et pénètrent par les panneaux. Autant d’eau ajoutée à l’eau de la cale.

La situation va bientôt devenir aussi menaçante qu’elle l’était aux dernières heures de l’incendie. Les passagers, l’équipage, tous sentent que ce navire leur manque peu à peu sous les pieds. Ils voient monter lentement, mais