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Comme le jeune comte et Rotzko n’avaient point échangé dix paroles pendant le repas, Jonas n’avait pu en aucune façon se mêler à leur conversation — à son vif déplaisir. Du reste, Franz de Télek paraissait être peu communicatif. Quant à Rotzko, après l’avoir observé, l’aubergiste comprit qu’il n’aurait rien à en tirer de ce qui concernait la famille de son maître.

Jonas avait donc dû se contenter de souhaiter le bonsoir à ses hôtes. Mais, avant de remonter à sa mansarde, il parcourut la grande salle du regard, prêtant une oreille inquiète aux moindres bruits du dedans et du dehors, et se répétant :

« Pourvu que cette abominable voix ne les réveille pas pendant leur sommeil ! »

La nuit s’écoula tranquillement.

Le lendemain, dès le point du jour, la nouvelle se répandit que deux voyageurs étaient descendus au Roi Mathias, et nombre d’habitants accoururent devant l’auberge.

Très fatigués par leur excursion de la veille, Franz de Télek et Rotzko dormaient encore. Il n’était guère probable qu’ils eussent l’intention de se lever avant sept ou huit heures du matin.

De là, grande impatience des curieux, qui, pourtant, n’auraient pas eu le courage d’entrer dans la salle tant que les voyageurs n’auraient pas quitté leur chambre.

Tous deux parurent enfin sur le coup de huit heures.

Rien de fâcheux ne leur était arrivé. On put les voir allant et venant dans l’auberge. Puis ils s’assirent pour leur déjeuner du matin. Cela ne laissait pas d’être rassurant.

D’ailleurs, Jonas, debout sur le seuil de la porte, souriait d’un air aimable, invitant ses anciens clients à lui rendre leur confiance. Puisque le voyageur qui honorait le Roi Mathias de sa présence était un gentilhomme — un gentilhomme roumain, s’il vous plaît, et de l’une des plus vieilles familles roumaines — que pouvait-on craindre en si noble compagnie ?