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GRANDS VOYAGES ET GRANDS VOYAGEURS

les pieds fourchus, ils lui firent retirer sa chaussure pour s’assurer qu’elle avait bien les pieds faits comme eux. Puis, Frobisher voyant le froid augmenter et voulant mettre en sûreté les trésors qu’il pensait avoir recueillis, renonça pour cette fois à chercher plus longtemps le passage du nord-ouest. Il fit donc voile pour l’Angleterre, où il arriva, après une tempête qui dispersa sa flotte, à la fin du mois de septembre. L’homme, la femme et l’enfant, dont on s’était emparé, furent présentés à la reine. On raconte, à ce propos, que le sauvage, voyant, à Bristol, le trompette de Frobisher à cheval, voulut en faire autant et s’y mit, la tête tournée du côté de la queue de l’animal. Accueillis avec curiosité, ces sauvages obtinrent de la reine la permission de tirer, sur la Tamise, toutes sortes d’oiseaux, même des cygnes, ce qui était défendu à tout le monde sous les peines les plus sévères. Au reste, ils ne vécurent pas longtemps et moururent avant que l’enfant eût quinze mois.

On n’avait pas tardé à reconnaître que les pierres rapportées par Frobisher contenaient réellement de l’or. Une fièvre qui tenait du délire s’empara aussitôt de la nation, mais surtout des hautes classes. On avait trouvé un Pérou, un Eldorado ! La reine Élisabeth, malgré son grand sens pratique, céda au courant. Elle résolut de bâtir un fort dans le pays nouvellement découvert, auquel elle donna le nom de Meta incognita (borne inconnue), et d’y laisser, avec cent hommes de garnison, sous le commandement des capitaines