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devant Ferdinand et Isabelle, non en accusé, mais en accusateur ; puis, le souvenir d’indignes traitements lui brisant la poitrine, le pauvre grand homme pleura et fit pleurer autour de lui. Il raconta sa vie fièrement. Lui qu’on accusait d’ambition, que l’on disait s’être enrichi dans l’administration de la colonie, il se montra tel qu’il était, presque sans ressources ! Oui ! celui qui venait de découvrir un monde ne possédait pas une tuile pour abriter sa tête !

Isabelle, bonne et compatissante, pleura avec le vieux marin, et fut quelque temps sans pouvoir lui répondre, tant les larmes la suffoquaient. Enfin, d’affectueuses paroles s’échappèrent de ses lèvres ; elle assura Colomb de sa protection ; elle lui promit de le venger de ses ennemis ; elle s’excusa du mauvais choix que l’on avait fait de ce Bovadilla pour l’envoyer aux îles, et elle jura d’en tirer un châtiment exemplaire. Toutefois, elle demandait à son Amiral de laisser passer quelque temps avant de le rétablir dans son gouvernement, afin de permettre aux esprits prévenus de revenir au sentiment de l’honneur et de la justice.

Christophe Colomb fut calmé par les gracieuses paroles de la reine ; il se montra satisfait de son accueil, et admit la nécessité de ce délai que lui demandait Isabelle. Ce qu’il voulait avant tout, c’était servir encore son pays, son souverain adoptif, et il faisait entrevoir de grandes choses à tenter dans la voie des découvertes. En effet, son troisième voyage, malgré sa courte durée, n’avait pas été infructueux, et la carte