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— Enfin, ça s’appelle, ta machine rimante ?…

Le Feu follet !

Le Feu follet ! s’écria maître Nick ! Voilà que tu adresses des vers aux feux follets ! »

Et, sans doute, le notaire allait prendre à parti les djinns, les elfes, les brownies, les lutins, les ondines, les ases, les cucufas, les farfadets, toutes les poétiques figures de la mythologie scandinave, lorsque le facteur frappa à la porte de l’étude et parut sur le seuil.

« Ah ! c’est vous, mon ami ? dit maître Nick. Je vous avais pris pour un feu follet !

— Un feu follet, monsieur Nick ? répondit le facteur. Est-ce que j’ai l’air…

— Non !… Non !… Et vous avez même l’air d’un facteur qui m’apporte une lettre.

— La voici, monsieur Nick.

— Merci, mon ami ! »

Le facteur se retira, au moment où le notaire, ayant regardé l’adresse de la lettre, la décachetait vivement.

Lionel put alors reprendre sa feuille de papier, et il la mit dans sa poche.

Maître Nick lut la lettre avec une extrême attention ; puis, il retourna l’enveloppe, afin d’en examiner le timbre et la date. Cette enveloppe portait le timbre du post-office de Saint-Charles, petite bourgade du comté de Verchères, et la date du 2 septembre, c’est-à-dire de la veille. Après avoir réfléchi quelques instants, le notaire revint à sa philippique contre les poètes :

« Ah ! tu sacrifies aux Muses, Lionel ?… Eh bien, pour ta peine, tu vas m’accompagner à Laval, et tu auras le temps, en route, de tricoter des vers !

— Tricoter, maître Nick ?…

— Il faut que nous soyons partis dans une heure, et, si nous rencontrons des feux follets à travers la plaine, tu leur feras toutes tes amitiés ! »