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« Voyez dans quel état est notre mère ! reprit-il. Elle ne peut plus faire un mouvement !… Cette torpeur va lui enlever le peu d’énergie qui lui reste !… Demain, il lui sera impossible de se lever ! Sans doute, mon frère et moi, nous la porterons !… Mais encore faut-il que nous sachions où vous voulez aller, et que ce ne soit pas loin !… Qu’avez-vous décidé, mon père ? »

Simon Morgaz ne répondit pas, il courba la tête et se retira au fond de la caverne.

La nuit était venue. Aucun bruit ne troublait cette solitude. D’épais nuages couvraient le ciel et menaçaient de se fondre en une brume uniforme. Pas un souffle ne traversait l’atmosphère. Quelques hurlements éloignés rompaient seuls le silence de ce désert. Une neige morne et dense commençait à tomber. Le froid étant vif, Jean alla ramasser du bois mort qu’il alluma dans un angle, près de l’entrée, afin que la fumée pût trouver une issue au dehors.

Bridget, étendue sur une litière d’herbe que Joann avait apportée, était toujours immobile. Le peu de vie qui demeurait en elle ne se trahissait que par une respiration pénible, entrecoupée de longs et douloureux soupirs. Tandis que Joann lui tenait la main, Jean s’occupait d’alimenter le foyer, afin de maintenir la température à un degré supportable.

Simon Morgaz, blotti au fond, à demi couché, dans une attitude de désespoir, comme s’il eût eu horreur de lui-même, ne faisait pas un mouvement, tandis que les reflets de la flamme éclairaient sa figure convulsée.

La lueur du foyer tomba peu à peu, et Jean sentit ses yeux se fermer malgré lui. Combien d’heures resta-t-il dans cet assoupissement ? Il ne l’aurait pu dire. Mais, lorsqu’il s’éveilla, il vit que les derniers charbons allaient s’éteindre. Jean se releva, jeta une brassée de branches sur le foyer qu’il raviva de son souffle, et la caverne s’éclaira.