Page:Verne - Famille-sans-nom, Hetzel, 1889.djvu/419

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Aucun bruit ne venait ni des cabines ni du pont. Seule à veiller, Clary de Vaudreuil était là, comme une sœur de charité au chevet d’un mourant.

La nuit était très obscure. Les nuages commençaient à se dérouler lourdement au-dessus de la rivière. De longues brumes s’accrochaient au squelette des arbres, dont les branches, chargées de givre, grimaçaient sur la berge.

Personne ne vit alors quatre bateaux qui, contournant la pointe de l’île par l’amont, manœuvraient de manière à rallier sans bruit la rive de Schlosser.

Ces bateaux étaient montés par une cinquantaine de volontaires, commandés par le lieutenant Drew, de la milice royale. Sur l’ordre du colonel Mac Nab, cet officier, au mépris du droit des gens, venait accomplir un acte révoltant de sauvagerie jusque dans les eaux américaines.

Parmi ses hommes se trouvait un certain Mac Leod, dont les cruautés devaient amener de graves complications internationales quelques mois plus tard.

Les quatre bateaux, mus silencieusement par leurs avirons, traversèrent le bras gauche du Niagara et vinrent accoster le flanc de la Caroline.

Aussitôt, les volontaires, se glissant sur le pont, descendirent dans les cabines, et commencèrent leur épouvantable œuvre d’égorgement.

Les passagers, blessés ou endormis, ne pouvaient se défendre. Ils poussaient des cris déchirants. Ce fut en vain. Rien n’aurait pu arrêter la furie de ces misérables, au milieu desquels Mac Leod, le pistolet d’une main, la hache de l’autre, poussait des hurlements de cannibale.

Jean n’avait pas repris connaissance. Clary, épouvantée, s’était hâtée de ramener sur elle la toile qui les recouvrit tous deux.

Cependant quelques passagers avaient pu s’enfuir, soit en sautant sur le quai de Schlosser, soit en se jetant par-dessus le bord, afin de