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Encore cinq ou six minutes, et ces deux femmes y auraient trouvé refuge.

À cet instant, apparut un groupe de trois hommes, qui descendaient la route — trois volontaires, chancelant sur leurs jambes, ivres d’eau-de-vie, souillés de sang.

Clary et Bridget voulurent les éviter en se jetant de côté. Il était trop tard.

Les volontaires les avaient aperçues. Ils se précipitèrent sur elles. De ces misérables, tout était à craindre. L’un d’eux avait saisi la jeune fille et cherchait à l’entraîner, tandis que les deux autres retenaient Bridget. Bridget et Clary appelèrent à leur secours. Mais qui aurait pu entendre leurs cris, sinon d’autres soldats, moins ivres que ceux-ci, et plus dangereux peut-être ?

Soudain, un homme bondit hors du fourré, à gauche de la route, et, d’un coup vigoureux, il étendit à terre le misérable qui violentait la jeune fille.

« Clary de Vaudreuil !… s’écria-t-il.

— Vincent Hodge ! »

Et Clary s’attacha au bras de Hodge qu’elle venait de reconnaître à la lueur des flammes.

Lorsque M. de Vaudreuil était tombé sur le champ de bataille de Saint-Charles, Vincent Hodge n’avait pu le secourir, ignorant que, quelques instants plus tard, Jean-Sans-Nom l’avait entraîné hors de la mêlée, il était revenu après les derniers coups de feu, et il était resté dans le voisinage de la bourgade, au risque de tomber entre les mains des royaux. Puis, la nuit venue, il avait essayé de découvrir M. de Vaudreuil parmi les blessés ou les morts, entassés à la lisière du camp. Ayant vainement cherché jusqu’à l’heure où l’aube allait paraître, il redescendait la route, lorsque des cris l’attirèrent à l’endroit où Clary se débattait pour échapper à un danger pire que la mort.

Mais Vincent Hodge n’eut pas le temps d’apprendre que M. de Vau-