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— Pas de mauvais pronostics, Thomas, répondit Catherine, et un peu de patience, que diable ! Si l’on ne baptise pas aujourd’hui, on baptisera demain.

— Bon ! Demain, c’est la première communion de Clément et de Cécile, le seizième et la dix-septième !

— Eh bien, après-demain !

— Après-demain, c’est la noce de notre fille Rose avec ce brave Bernard Miquelon !

— Assez là-dessus, Thomas ! On fera tout ensemble, s’il le faut. Mais, quand un bébé est en passe d’avoir un parrain comme Jean et une marraine comme mademoiselle Clary, il n’y a pas à se presser pour en aller prendre d’autres !

— Et le curé qui est prévenu !… fit encore observer Thomas à son intraitable moitié.

— J’en fais mon affaire, répliqua Catherine. C’est un excellent homme, notre curé ! D’ailleurs, sa dîme ne lui échappera pas, et il ne voudra pas désobliger des clients comme nous ! »

Et, de fait, dans toute la paroisse, il était peu de paroissiens qui eussent autant donné d’occupations à leur curé que Thomas et Catherine !

Cependant, à mesure que les heures s’écoulaient, l’inquiétude devenait plus vive. Si la famille Harcher ignorait que son fils adoptif fût le jeune patriote, Jean-Sans-Nom, M. et Mlle de Vaudreuil, le sachant, pouvaient tout craindre pour lui.

Aussi voulurent-ils apprendre de Pierre Harcher dans quelles circonstances Jean s’était séparé de ses frères et de lui en quittant le Champlain.

« C’est au village de Caughnawaga que nous l’avons débarqué, répondit Pierre.

— Quel jour ?

— Le 26 septembre, vers cinq heures du soir.

— Il y a donc neuf jours qu’il s’est séparé de vous ? fit observer M. de Vaudreuil.