Page:Verne - Clovis Dardentor, Hetzel, 1900.djvu/98

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pendant une période de quatre cents ans. Les portes entrouvertes laissaient voir des cours centrales, des patios, des cortiles, entourés de légères colonnades, le puits traditionnel surmonté de son élégante armature de fer, l’escalier à révolutions gracieuses, le péristyle orné de plantes grimpantes en pleine floraison, les fenêtres avec leurs meneaux de pierre d’une incomparable sveltesse, doublées parfois de moucharabys ou de miradors à la mode espagnole.

Enfin, Clovis Dardentor et ses compagnons arrivèrent devant un bâtiment flanqué de quatre tours octogonales, qui apportait sa note gothique au milieu de ces premiers essais de la Renaissance.

« Quelle est cette bâtisse ? » demanda M. Dardentor.

Et, ne fût-ce que pour ne point choquer Patrice, il aurait pu employer un mot plus select.

C’était la « fonda », l’ancienne Bourse, un magnifique monument, superbes fenêtres crénelées, corniche artistement découpée, fines dentelures faisant honneur aux ornemanistes du temps.

« Entrons, » dit Marcel Lornans, qui ne laissait pas de s’intéresser à ces curiosités archéologiques.

Ils entrèrent en franchissant une arcade, qu’un solide pilier partageait en son milieu. À l’intérieur, salle spacieuse — d’une capacité à contenir un millier de personnes — dont la voûte était soutenue par les spirales de fluettes colonnes. Il n’y manquait alors que le brouhaha du commerce, le tumulte des marchands, tels qu’ils l’emplissaient en des époques plus prospères.

C’est ce que fit observer notre Perpignanais. Cette fonda, il aurait voulu pouvoir la transporter dans sa ville natale, et là, rien qu’à lui seul, il lui aurait rendu son animation d’autrefois.

Il va sans dire que Patrice admirait ces belles choses avec le flegme d’un Anglais en voyage, donnant au guide l’impression d’un gentleman discret et réservé.

Quant à Jean Taconnat, il faut bien avouer qu’il ne prenait qu’un médiocre intérêt à ces pharamineux boniments du cicerone. Non pas qu’il fût insensible aux charmes du grand art de l’architecture ; mais,