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si vigoureuse qu’elle le tira de son lit, il sortit en chantonnant un refrain des montagnes pyrénéennes.

Lorsqu’il fut dehors :

« Hein ! fit Jean Taconnat, où trouverait-on son pareil, à lui… et sa pareille, à elle… l’un avec son zerbani africain… l’autre avec son mouchoir aux fines senteurs !

— Jean, dit Marcel Lornans, un peu vexé, tu me parais d’une jovialité excessive !

— C’est toi qui as voulu que je fusse gai… je le suis ! » répondit Jean Taconnat en faisant une pirouette.

Marcel Lornans commença de s’habiller, — encore un peu pâle, mais cela se remettrait.

« Et, d’ailleurs, affirmait son cousin, est-ce que nous ne serons pas exposés à bien d’autres aventures, lorsque nous figurerons au 7e chasseurs… Hein, quelle perspective ! les chutes de cheval, les coups de pied de ce noble animal, et, pendant la bataille, une jambe de moins, un bras disparu, la poitrine trouée, le nez en moins, la tête emportée, et l’impossibilité où l’on est de réclamer contre la brutalité des projectiles de douze centimètres… et même de moins ! »

Marcel Lornans, le voyant en verve, préféra ne point l’interrompre, et il attendit que le robinet de ses plaisanteries fût fermé pour lui dire :

« Raille et déraille, ami Jean ! Mais n’oublie pas que j’ai renoncé à toute tentative pour me faire adopter par mon sauveur en le sauvant à mon tour ! Manœuvre, combine, opère à ton aise ! Bon succès je te souhaite !

— Merci, Marcel.

— Il n’y a pas de quoi, Jean… Dardentor ! »

Une demi-heure après, tous deux entraient dans la salle à manger de l’hôtel, — une simple auberge, proprement tenue et d’apparence engageante. Les familles Elissane et Désirandelle étaient groupées devant la fenêtre.