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Le lendemain, dans la matinée, les familles Elissane et Désirandelle, M. Dardentor et les deux Parisiens parcouraient les sinuosités de la vieille kasbah oranaise, — maintenant une vulgaire caserne, qui communique par deux portes avec la ville. Puis, la promenade fut poussée jusqu’au village nègre des Djalis, considéré à juste titre comme l’une des curiosités d’Oran. Et, pendant cette excursion, le hasard, — oh ! le hasard seulement, — fit que Louise Elissane s’était volontiers entretenue avec Marcel Lornans, au vif mécontentement de Mme Désirandelle.

Le soir, il y eut dîner offert « à toute la compagnie », par Clovis Dardentor. Un repas magnifique, dont les divers services furent dirigés par les soins de Patrice, fort entendu en matière épulatoire. Mlle Elissane plut particulièrement à ce gentleman de la livrée, qui reconnut en elle une personne d’une rare distinction.

Plusieurs jours s’écoulèrent, et, cependant, la situation respective des hôtes de la maison du Vieux-Château ne tendait point à se modifier.

Maintes fois Mme Elissane avait pressenti sa fille au sujet d’Agathocle. En femme positive, elle lui faisait valoir les avantages présentés par les deux familles. Louise évitait de répondre aux instances de sa mère, laquelle, à son tour, ne savait que répondre aux instances de Mme Désirandelle.

Et ce n’était pas faute que celle-ci s’ingéniât à éperonner son fils.

« Sois donc plus empressé ! lui répétait-elle dix fois par jour. On a soin de vous laisser ensemble, Louise et toi, et je suis sûre que tu restes là, regardant à travers les vitres au lieu de tourner quelque compliment…

— Si… je tourne…

— Oui… tu tournes et retournes ta langue… et tu ne prononces pas dix paroles en dix minutes…

— Dix minutes… c’est long !

— Mais songe donc à ton avenir, mon fils ! reprenait la mère désolée, en lui secouant la manche de son veston. C’est un mariage