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l’épave du cynthia.

cousse, qu’il était resté irréparablement meurtri. Il y avait presque un quart de siècle que ces choses s’étaient passées, et, comme au premier jour, Mme Durrien pleurait son enfant ! Ce cœur tout maternel s’était replié sur son deuil et consumait lentement sa vie dans la morne contemplation de l’unique souvenir !

Par une sorte de mirage moral, elle se figurait parfois son fils passant par les phases successives de l’enfance, de l’adolescence et de l’âge viril. D’année en année, elle se le représentait comme il aurait été, comme il était peut-être — car elle conservait toujours une sorte de croyance obstinée à la possibilité de son retour ! Contre cet espoir obscur, rien n’avait jamais prévalu, ni démarches vaines, ni recherches inutiles, ni temps écoulé !

Et c’est pourquoi, ce soir-là, elle attendait son père avec la ferme volonté d’avoir le cœur net de ses soupçons.

M. Durrien entra. Il était suivi d’un jeune homme qu’il présenta en ces termes :

« Ma fille, voici M. Erik Hersebom dont je t’ai souvent parlé, et qui vient d’arriver à Paris. La Société de géographie va lui décerner sa grande médaille d’honneur, et il me fait le plaisir d’accepter notre hospitalité. »

Il avait été convenu dans la voiture que les choses se passeraient ainsi, qu’Erik parlerait plus tard incidemment de l’enfant recueilli à Noroë, et qu’on essayerait de faire arriver, sans secousse