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l’épave du cynthia.

je me consacrai exclusivement à ma fille, dont la santé physique et morale exigeait de grands ménagements. J’obtins d’être envoyé en Orient, je cherchai à la distraire par des voyages et des entreprises scientifiques. Elle a été la compagne inséparable de tous mes travaux ; mais jamais je n’ai pu arriver à la guérir de son incurable tristesse. Enfin, depuis deux ans j’ai pris ma retraite, et nous sommes rentrés en France. Nous habitons alternativement Paris et la vieille maison que je possède au Val-Féray, près de Brest.

« Nous serait-il donné d’y voir entrer mon petit-fils, celui que nous pleurons depuis tant d’années ? Cet espoir est trop beau pour que j’ose en parler à ma fille, tant qu’il ne sera pas transformé en certitude. Ce serait une véritable résurrection. Et pourtant, s’il fallait maintenant renoncer à cette idée, la déception serait cruelle !…

« Nous sommes aujourd’hui à lundi. Samedi prochain, me dit-on à la poste, je pourrais avoir une réponse !… »

Erik avait peine à achever cette lecture ; les larmes obscurcissaient sa vue. Lui aussi, il craignait de s’abandonner trop vite à l’espérance, qui lui était subitement rendue. Il se disait bien que toutes les vraisemblances se trouvaient réunies — la concordance des dates, celle des événements et des moindres détails. Mais c’était trop beau ! Il n’osait pas y croire ! Retrouver du même coup une famille, une vraie mère, une patrie !… Et quelle