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l’épave du cynthia.

leur permettait d’explorer à la fois la mer et la banquise. À tout instant, Klaas, en se portant en avant, mettait en fuite quelques-uns de ces ougiouks aperçus de loin, et qui se traînaient maladroitement jusqu’au bord du champ de glace pour se jeter à l’eau. Rien n’aurait été plus facile que d’en tuer un grand nombre. Mais à quoi bon, puisqu’on ne pouvait songer à faire du feu pour rôtir ou griller la chair, d’ailleurs si délicate, de ces pauvres bêtes ? Erik avait d’autres préoccupations : il examinait avec attention le sol de la banquise et constatait que ce sol était loin d’être homogène. De nombreuses crevasses, des fissures, qui s’étendaient en certains cas sur toute la largeur du champ de glace, pouvaient faire craindre qu’au moindre choc il ne se divisât en plusieurs fragments. Il est vrai que ces fragments auraient encore été d’une belle grandeur. Mais la possibilité seule d’un pareil accident indiquait l’impérieuse nécessité de se tenir le plus possible à portée du dépôt de vivres, si l’on ne voulait être exposé à s’en trouver inopinément séparé. Ces fissures étaient d’ailleurs partout recouvertes par l’épaisse couche de neige tombée la veille, et qui commençait déjà, en fondant, à les fermer ou tout au moins à les calfater. Erik résolut de reconnaître avec soin, parmi les divisions ainsi délimitées, la plus massive et la plus résistante, afin de l’adopter comme quartier général en y transportant le dépôt de vivres.