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l’ami de m. malarius.

et humbles fonctions de maître d’école. Puis, quand, après une vingtaine d’années, Kristina s’était éteinte en le bénissant, M. Malarius, habitué à sa vie obscure et ignorée, n’avait même pas songé à en commencer une autre. Absorbé par des travaux personnels dont il oubliait de faire part au monde, il trouvait un plaisir suprême à être un instituteur modèle, à avoir l’école la mieux tenue du pays, et surtout à sortir du domaine de l’enseignement primaire pour aborder des leçons plus relevées. Il aimait à pousser les études de ses meilleurs élèves, à les initier aux sciences, aux littératures anciennes et modernes, à tout ce qui est habituellement le lot des classes riches ou aisées et non pas celui des pêcheurs et des paysans.

« Pourquoi ce qui est bon aux uns ne le serait-il pas aux autres ! disait-il. Si les pauvres gens n’ont pas toutes les joies d’ici-bas, pourquoi leur refuser celle de connaître Homère et Shakespeare, de nommer l’étoile qui les guide sur les océans ou la plante qu’ils foulent à terre ! Le métier viendra assez tôt les prendre à la gorge et les courber sur le sillon ! Qu’au moins leur enfance ait bu à ces sources pures et participé à ce patrimoine commun des hommes ! »

En plus d’un pays, on eût jugé ce système imprudent, propre à dégoûter les humbles de la modestie de leur lot et à les jeter dans les aventures. Mais, en Norvège, personne ne songe à s’inquiéter de ces choses. La douceur patriarcale