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Je ne tracerai rien qui ne soit dans toi-même
Beaucoup plus beau,
Mais le mot cent fois dit, venant de ce qu’on aime,
Semble nouveau.

Qu’il te porte au bonheur ! moi, je reste à l’attendre,
Bien que, là-bas,
Je sens que je m’en vais pour voir et pour entendre
Errer tes pas.

Ne te détourne pas s’il passe une hirondelle
Par le chemin,
Car je crois que c’est moi qui passerai fidèle
Toucher ta main.

Tu t’en vas : tout s’en va ! tout se met en voyage,
Lumière et fleurs ;
Le bel été te suit, me laissant à l’orage,
Lourde de pleurs.

Mais si l’on ne vit plus que d’espoir et d’alarmes
Cessant de voir,
Partageons pour le mieux : moi je retiens les larmes
Garde l’espoir.

Non, je ne voudrais pas, tant je te suis unie,
Te voir souffrir :
Souhaiter la douleur à sa moitié bénie,
C’est se haïr.

Est-ce divin ? mais attendez.