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LES POÈTES MAUDITS 89 Mais de ces blancs tombeaux en pente sur la rive, Sous la brume sacrée, à des clartés pareils, L’ombre questionnait en vain les grands sommeils : Ils gardaient le secret de la Loi décisive. Frileuse, elle voilait d’un cachemire noir Son sein royal, exil de toutes mes pensées ! J’admirais cette femme aux paupières baissées, Sphynx cruel, mauvais rêve, ancien désespoir ! Ses regards font mourir les enfants. Elle passe Et se laisse survivre, en ce qu’elle détruit. C’est la femme qu’on aime à cause de la Nuit, Et ceux qu’elle a connus en parlent à voix basse. Le danger la revêt d’un rayon familier : Même dans son étreinte oublieusement tendre. Ses crimes évoqués sont tels qu’on croit entendre Des crosses de fusils tombant sur le palier. Cependant sous la honte illustre qui l’enchaîne. Sous le deuil où se plaît cette â.me sans essor Repose une candeur inviolée encor Comme un lys enfermé dans un coffret d’ébène. Elle prêta l’oreille au tumulte des mers, Inclina son beau front touché par les années. Et se remémorant ses mornes destinées. Elle se répandit en ces termes amers : « Autrefois, autrefois, — quand je faisais partie » Des vivants,— leurs amours sous les pâles flam- [beaux 8.