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voyage en france par un français

yeux que le cœur parle au cœur dans les commencements d’une liaison, c’est aux yeux qu’on regarde après le premier choc et cette cristallisation dont parle Stendhal. Or, la France actuelle n’a pas de tête, et ce qu’on a mis à la place, dépendant du corps et commandé par lui, n’est, ni plus ni moins, sous le même bonnet rouge très sanglant d’autrefois et assez crasseux d’à présent, qu’un conciliabule servile, violent et monstrueux au possible, de pauvres caboches pleines de vertige et, sauf cela, vides de tout. Comment essayer d’aimer cette hydre et de chercher, dans ces cinq cents et quelques paires d’yeux incohérents, la route au cœur d’un pays ? Du temps que la France avait un roi, ce roi la représentait dans tout ce qu’elle avait de noble et d’élevé dans la pensée et dans l’action, tête solide et cœur vaillant. Le « vive le roi ! » sortait logiquement du « le roi est mort ! » parce que le roi, c’était la nation intelligente et ambitieuse du bien public ; en conséquence, aimer le roi, c’était aimer la France, et réciproquement. Aussi quel amour des Français pour le roi, et quel patriotisme alors ! Mais dès qu’on eut crié « Vive la Nation ! », c’était son bien particulier et privé que chacun acclamait, sa vengeance privée et son avancement particulier, c’était sa passion et son vice dont chacun exaltait le